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Sartre, une muse pour Perls ?

 

 

 

 

 

 

Gonzague Masquelier

 

L’existentialisme est l’une des racines de la Gestalt-thérapie et l’on surnomme parfois Sartre le "pape de l’existentialisme".

Quelles sont les idées fortes de son œuvre qui ont pu inspirer Paul Goodman, Laura et Fritz Perls lors de la conception de la Gestalt-thérapie ?

Comment les Gestaltistes contemporains peuvent-ils se nourrir en relisant ce philosophe ?

 

Après un rappel biographique, Gonzague Masquelier développe plusieurs thèmes fondateurs de l’existentialisme et montre comment la Gestalt partage ces concepts. Quelques points de divergence sont ensuite évoqués.

 

En conclusion, l’auteur esquisse un pastiche de Huis-Clos, la pièce de théâtre dans laquelle trois personnages sont enfermés pour l’éternité, en imaginant une rencontre entre Goodman, Perls et Sartre.

 

Souvent, lorsque le temps est clément, je me promène à midi dans le cimetière du Montparnasse.

Je n’ai que la rue à traverser, puisque nos locaux de l’Ecole Parisienne de Gestalt en sont voisins.

 

Un petit bonjour à Gainsbourg, dont la tombe se renouvelle toujours de témoignages d’admirateurs ou à Charles Baudelaire ;
 puis mes pas me portent vers les sépultures de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, couple mythique de la littérature française contemporaine. Une même pierre tombale, sobre voire dépouillée, avec juste leur nom et une date, recouvre deux caveaux (unis, mais chacun chez soi !).

 

Beaucoup d’adolescents, dont je fus, se sont ouverts à la philosophie par la lecture de Sartre.

Lire La Nausée reste pour moi un souvenir très vivace, un mélange d’attirance et de rejet pour Antoine Roquentin, le personnage principal et son message : le sens de la vie n’existe pas, il va falloir me le créer moi-même !

 

Que les hasards de l’immobilier aient placé mon bureau à deux pas de la demeure définitive du "Pape de l’existentialisme" m’a donné l’envie de préciser
en quoi Sartre a pu inspirer certains concepts de la Gestalt-thérapie et sur quels thèmes se fixent les différences, voire les dissonances.

 

Précautions liminaires

 

Mon projet n’est pas celui d’un historien ou d’un exégète : ni Friedrich (Fritz) ou Laura Perls, ni "Le Groupe des Sept" [1], qui se réunissait toutes les semaines à New York pour élaborer les premiers concepts de la Gestalt, n’ont cité leurs sources.

Il serait donc illusoire d’attribuer à Sartre la paternité d’un concept gestaltiste précis ; nous pouvons uniquement le considérer comme une source d’inspiration possible, comme en témoigne le point d’interrogation de mon titre.

 

Perls a rédigé son premier livre Le Moi, la Faim, l’Agressivité en 1941, et Gestalt therapy [2] a été publié en 1951.

Toute cette époque, marquée par la seconde Guerre Mondiale, connut un grand brassage d’idées artistiques, littéraires, philosophiques, dont l’existentialisme.

Nous savons par exemple que Laura Perls souhaitait nommer "thérapie existentielle" ce que le groupe mettait en forme à New York, mais que ce terme semblait trop relié à Sartre, très critiqué aux États-Unis, en cette époque de maccarthysme.

 

Et pour Paul Goodman ? Le titre même de l’ouvrage qui l’a rendu célèbre, Growing up absurd [3] , semble être une référence à la notion de néant, chère à Sartre ; tous deux partageaient le même activisme politique.

Et Suzan Sontag le décrit en ces termes : "Il était notre Sartre, notre Cocteau". [4]

 

- Je ne vais pas non plus développer les concepts gestaltistes qui me semblent proches ou inspirés de l’existentialisme, considérant que le lecteur les a assimilés. Je me contenterai, après chaque thème, de suggérer quelques passerelles.

C’est Noël Salathé qui a le premier exploré ce sujet en France : il présente la Gestalt comme "l’antenne thérapeutique de l’existentialisme" [5] .

 

Je me suis cantonné à l’œuvre de Sartre et à ses résonances dans ma pratique professionnelle, tant en psychothérapie qu’en formation.
Je me suis donc replongé dans mes livres d’adolescent, avec un regard de Gestaltiste.

 Alors, qui était Sartre, que nous a-t-il apporté ? C’est l’objet de cet article…

 

Rappel biographique

 

Sartre naît en 1905 ; son père meurt peu après et il est élevé par sa mère.
Son enfance, qu’il raconte dans les Mots [6] , est marquée par la solitude et la frénésie de lecture.
Ce texte autobiographique prend fin par le récit de sa douzième année, lorsque sa mère lui apprend qu’elle aime un homme et qu’il devra l’appeler "mon oncle".

 

En 1924, il entre à "Normale sup", avec Raymond Aron, Maurice Merleau-Ponty, etc.

Il rencontre Simone de Beauvoir et ils préparent ensemble l’agrégation de philosophie [7]. Ils ne se quitteront plus.
Sartre devient professeur au Havre, puis séjourne à Berlin (1933-34) où il se plonge dans la philosophie allemande qui le déconcerte, puis le passionne :

"J’avais des os dans le cerveau, je les fis craquer non sans fatigue ". [8]

 

Il est mobilisé en 39, fait prisonnier, puis libéré en 41.

 

Dans son ouvrage philosophique le plus connu, l’Etre et le Néant (1943), il re-élabore la pensée de Hegel, Husserl et Heidegger, en développant les rapports entre la conscience et la liberté.

 

Il participe à la Résistance et publie Les Mouches en 43 puis Huis Clos en 44, pour diffuser les idées de résistance à l’oppression.

Après la guerre, Sartre abandonne l’enseignement, fonde la revue Les Temps Modernes, fer de lance de "la gauche intellectuelle".
Il s’engage littérairement dans de nombreux combats politiques (Indochine, Algérie, Vietnam, Cuba).

 

Sartre s’attire alors de très fortes inimitiés, voire de la haine comme celle du directeur du Figaro, qui affirme :

"Il est temps de l’exorciser, de l’enduire de soufre, et de l’allumer sur le parvis de Notre-Dame,

ce qui serait la façon la plus charitable de sauver son âme" [9].

 

On défile alors sur les Champs-Élysées en scandant :

"Fusillez Sartre !".

 

Après la publication des Mots, on lui attribue le prix Nobel, qu’il refuse (1964). À travers son étude sur Flaubert [10], il poursuit le projet, annoncé dans l’Etre et le Néant, de contester la théorie freudienne et de fonder la psychanalyse existentielle. Ironique, il précise que n’ayant pas connu son père,

et élevé seul par sa mère jusqu’à douze ans, il est doté "d’un œdipe fort incomplet".

Très affaibli par la maladie et une quasi-cécité, il n’achèvera pas cette "refondation".

 

Il meurt en 1980, nous laissant un héritage philosophique considérable, dont je souhaite reprendre quelques points.

 

[1] Friedrich et Laura PERLS, Paul GOODMAN, Paul WEISZ, Elliot SHAPIRO, Isadore FROM, Sylvester EASTMAN.

[2] PERLS F., HEFFERLINE R., GOODMAN P., Gestalt therapy, Julian Press Inc., New York, 1951.

[3] GOODMAN Paul, Growing up absurd : problems of Youth in the Organised Society, Random House, 1960.

[4] SONTAG Susan, Under the sign of Saturn, Barnes & Noble, New York, 1991.

[5] Conférence de Noël SALATHE : La Gestalt, une philosophie clinique, Congrès de l’Association Européenne de Gestalt-thérapie à Paris, 1983.

[6] SARTRE Jean-Paul, Les Mots, Gallimard, Paris, 1963, 224 pages.

[7] Sartre obtient la première place, Beauvoir la deuxième !

[8] SARTRE Jean-Paul, Situations IV, Gallimard, Paris, (p. 250). Je dédie cette situation à tous ceux d’entre nous qui parfois peinons à comprendre Heidegger ou Husserl !

[9] HENRI-LEVI Bernard, Le siècle de Sartre, Grasset, Paris, 2000, 663 pages (p. 49).

[10] SARTRE Jean-Paul, L’idiot de la famille, Gallimard, Paris, 1972-73, 3 tomes, 823 pages.


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